Courriers des lecteurs dans le Nouvelliste

Centrale à gaz à Chavalon : Est-ce bien raisonnable ?

Peut-on raisonnablement soutenir le projet de centrale à gaz à Chavalon ?

Il faudrait avoir la naïveté de croire que la pénurie d'électricité est une fatalité, alors que les rapports officiels de l'Office fédéral de l'énergie montrent que les ménages pourraient économiser 40% d'électricité sans perte de confort (agence S.A.F.E., 2005)

Il faudrait préférer 30 employés à Chavalon pour produire une électricité qu'on gaspille, plutôt que 400 occupés à réduire ce gaspillage (électriciens, chauffagistes, frigoristes, architectes, ingénieurs, couvreurs...).

Il faudrait ne pas tenir compte du rendement de la centrale (58%) qui est plutôt faible comparé aux petites installations avec couplage chaleur-force (90% de rendement), ni de la rentabilité de la centrale qui semble limite suite à l'obligation de compenser intégralement les émissions de CO2.

Il faudrait ignorer les familles et les entreprises pour lesquelles la facture énergétique commence à peser lourd dans le budget. Les Suisses (ménages, entreprises, transports) ont dépensé près de 9 milliards de francs en 2003 pour l'achat d'électricité, et ça ne cesse d'augmenter.

Il faudrait faire abstraction de l'énorme pollution engendrée, d'une point de vue global avec les 750'000 tonnes de CO2, principal gaz à effet de serre, et d'un point de vue local avec les 148 tonnes d'oxydes d'azote, précurseur de l'ozone, un gaz corrosif et irritant.

Il faudrait avoir l'espoir que le gaz va nous épargner le nucléaire, alors que le rapport sur les perspectives énergétiques 2035 du DETEC montre clairement qu'au contraire, le gaz ouvre la voie à la construction de plusieurs nouvelles centrales nucléaires.

Il faudrait pouvoir garder la conscience tranquille, tout en laissant à nos enfants un monde au climat déréglé et des déchets nucléaires à surveiller.

Nous ne pouvons pas fermer les yeux devant un tel désastre, et nous espérons que le gouvernement valaisan fera son travail pour nous proposer une politique énergétique compatible avec le développement durable, avec la priorité accordée aux économie d'énergie et aux énergies renouvelables.

Centrale à gaz à Chavalon : une catastrophe pour l'environnement

L'étude d'impact sur l'environnement de la centrale à gaz de Chavalon révèle quelques points intéressants :

  • les 385 millions de Nm3 de gaz (excusez du peu) seront importés via le gazoduc de Transitgaz ou GDF, ce qui a priori n'améliore pas l'indépendance énergétique de la Suisse ;
  • en cas de pénurie de gaz, l'usine pourra brûler de l'huile fournie par la raffinerie de Tamoil. L'étude prévoit une semaine par an de fonctionnement à l'huile, en hiver ;
  • le catalyseur SCR mis en oeuvre pour réduire les émissions d'oxydes d'azote (NOx) nécessite une énorme quantité d'additif : 380 tonnes d'ammoniac (gaz irritant), dont 58 tonnes iront directement améliorer l'air du Chablais ;
  • les normes de pollution de l'air ne sont déjà pas respectées en Valais (140 dépassements de la norme pour les NOx à la station de Massongex en 2004, et 40 dépassements à Sion en été 2006). La pollution devrait augmenter au minimum de 12% (si le catalyseur est entretenu correctement) ;
  • les travaux de transformation de l'usine sont prévus sur 25 mois avec leur cortège de nuisances (bruit, pollution de l'air, poussières) ;
  • le paysage du Chablais s'enrichira d'un gazoduc (risque d'explosion) et d'une ligne à haute tension de 380 kV (source de rayonnement non ionisant) ;
  • l'usine utilisera lors de l'exploitation une grande quantité de produits chimiques : ammoniac, acide chlorhydrique (59 t), hypochlorite de sodium (72 t), acide sulfurique (60 t)...
  • l'usine utilisera 2,6 milliards de litres d'eau par an pour le refroidissement, soit l'équivalent d'une ville de 45'000 habitants ;
  • 42% de l'énergie sera perdue lors de la production d'électricité ;

Pour couronner le tout, une deuxième tranche de 400 MW est déjà prévue sur le site, ce qui doublera à moyen terme toutes les nuisances précitées. Que du bonheur en perspective !

Centrale à gaz à Chavalon : climat défavorable pour Chavalon

Contrairement à Axpo, EOS regorge d'idées pour compenser les émissions de CO2 de sa future centrale de Chavalon. Voyez plutôt.

"Un projet est en cours à Pasto Bueno, au Pérou pour réhabiliter une centrale hydraulique à l'arrêt, en remplacement de groupes Diesel. L'investissement prévu se monte à 1 million d'Euro pour une compensation de 15'000 tonnes de CO2 par an." selon M. Neville, directeur du projet. Il ne reste plus que 735'000 tonnes par an à compenser...

En remplaçant une chaudière à mazout par une pompe à chaleur (PAC), on économise près de 4 tonnes de CO2 par an. Il suffit donc d'installer 183'750 PAC en Suisse et le tour est joué ! Sachant que l'on en a installé 11'200 en Suisse en 2005, cela prendrait à ce rythme seulement 16 ans. On pourrait donc construire la centrale dès 2023. Sachant qu'une PAC coûte au moins 15'000 francs de plus qu'une chaudière à mazout ou à gaz, cela coûterait plus de 2.75 milliards de francs... soit 7 fois le prix de la centrale.

De 2003 à 2006, la consommation finale d'électricité a grimpé de 4.8%, soit plus que la production future de Chavalon (+3.8%). Une nouvelle centrale nucléaire ne suffirait pas non plus à satisfaire notre boulimie d'énergie. Que faire alors ?

L'Office fédéral de l'énergie a bien compris que le potentiel était plus important du côté de l'utilisation rationnelle de l'énergie. Elle a mis sur pied une plate-forme de l'efficacité énergétique, et vise des réductions de l'ordre de 30 à 75% selon les domaines (mobilité, bâtiments, appareils) d'ici 2035. Selon Michael Kaufamnn, directeur du programme SuisseEnergie, ces objectifs sont "ambitieux mais absolument réalistes".

Centrale à gaz à Chavalon : pompe à fric

EOS agite le spectre de la pénurie d'électricité pour mieux vendre Chavalon. Or on n'a jamais produit autant de courant qu'aujourd'hui (58 TWh). Alors qu'est-ce qui cloche ? Pour comprendre cet échec, essayons de chauffer une villa de 200 m2.

Dans l'idéal, prenons une maison Minergie, avec un chauffage basse température et une pompe à chaleur sol/eau alimentée par du courant d'origine hydraulique. Le rendement de ce système serait de 450%. La consommation d'électricité de 1'500 kWh par an, et les émissions de CO2 quasi nulles.

Le scénario promis par EOS serait de remplacer des chauffages à mazout ou à gaz dans des maisons existantes mal isolées. On aurait donc un chauffage par radiateurs et une pompe à chaleur air/eau. Le rendement serait de 105 %. La consommation d'électricité de 8'000 kWh par an et les émissions de CO2 de 2,7 t.

La scénario réel, c'est qu'EOS a signé un contrat avec RWE pour importer du courant issu de centrales à charbon (les plus polluantes d'Europe), et qu'on continue d'installer des chauffages électriques dans des maisons mal isolées. Le rendement du système actuel est de 30%. La consommation d'électricité est de 20'000 kWh, et les émissions de CO2 de 24 t.

Ce dernier scénario est le pire pour l'environnement et pour les ménages dont la facture d'électricité explose. Mais EOS s'en moque. Le groupe a fait 55 millions de bénéfice en 2006. Ce qui importe n'est pas le rendement de la pompe à chaleur, mais celui de la pompe à fric.

SuisseEnergie de son côté, rappelle qu'il est possible d'éviter la pénurie par des économie d'énergie, avec un potentiel de 30 à 75% selon les domaines.

Les petits gaspis font les grandes centrales

En 2006 la consommation d'électricité en Suisse a atteint 58 milliards de kWh. Pour faire face à une augmentation de la consommation de seulement 1.5% par an, il faudrait poser un mètre carré de panneau solaire photovoltaïque chaque 5 seconde, ou construire une éolienne comme celle de Collonges tous les 2 jours, ou une centrale à gaz comme Chavalon tous les 2 ans et demi, ou une centrale nucléaire comme celle de Leibstadt tous les 10 ans. Et il faudrait doubler les lignes à haute tension du pays...

Peu réaliste, sans compter le désastre pour l'environnement et pour notre porte-monnaie. Heureusement il y a un plan B : faire des économies d'énergie. Selon l'Office fédéral de l'énergie, le potentiel est gigantesque : de l'ordre de 30 à 70% selon les domaines, et ce sans perte de confort.

Et si vous croyez que vous n'y pouvez rien, sachez que l'augmentation citée plus haut ne représente que 13 W par habitant en permanence... une simple TV en stand-by. Les petits gaspis font les grandes centrales, c'est bien connu.

 

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